Il y a 100 ans dans le diocèse d’Avignon : mars 1916

7 mars 2016

Carême

Le 8 mars 1916 est le Mercredi des Cendres qui ouvre la porte du Carême pour tous les catholiques. Dans le même temps, évidemment, la guerre continue et notamment dans la prise de Douaumont, les combats s’intensifient à cause de la résistance du fort de Vaux, en ce 8 mars 1916.

Dieu des Armées

Dans son mandement de Carême – qui est un texte à caractère juridique ou normatif qui précise les droits et devoirs de chacun (prêtres, fidèles, paroisses et communautés, en particulier pour le carême, et destiné à être lu publiquement dans les églises), Mgr Latty donne les instructions pour vivre ce temps de pénitence et de préparation aux fêtes de Pâques, et il conclue ce texte en disant « dans les douloureuses épreuves que traverse la France, nous exhortons vivement les fidèles à se montrer plus que jamais, dignes de leur nom et de leur foi de chrétiens. Leur vie doit être sérieuse, austère même ; et , dans leurs prières plus ferventes, ils auront à cœur de demander à Dieu qu’il assure, avec le triomphe de nos armées, la régénération de notre patrie dans la pratique de l’Evangile et de ses immortelles vertus » (art.11).

Ce texte à caractère plus juridique, est accompagné d’une instruction pastorale sur le « Dieu des armées ». Alors que les combats se poursuivent, que les souffrances s’attisent, que la lassitude gagne, l’évêque veut garder confiance, et croit à la victoire qui « s’avance de jour en jour, davantage vers nous ; et les motifs de l’espérer n’ont pas cessé de croître avec le temps. Nos armées, en s’aguerrissant, ont atteint un degré d’héroïsme inouï… ». Pour autant, il reconnaît que la guerre est une épreuve.

Si Dieu est l’infini, l’éternel, le tout-puissant, il est aussi toute bonté. Or voici « qu’en regard de ces deux ordres de grandeurs divines, les saintes Ecritures nous en présentent un autre, non moins propre à Dieu, sous cette expression mystérieuse et terrible : ‘le Seigneur est le Dieu des armées’ ». Il ne serait pas juste de mettre la guerre du côté de Dieu, parce que « disons-le hardiment avec Bossuet ‘Dieu, après tout, n’aime pas la guerre’. La guerre est le fait de l’homme ; un fait brutal, barbare, qui fait couler autant de larmes que de sang. Elle est le fruit de l’orgueil et de l’ambition ; et S. Augustin va jusqu’à dire que ‘les démons en font leurs grands jeux’. Non, encore une fois, Dieu n’aime pas la guerre, et ‘il préfère les pacifiques aux guerriers’. Dieu n’est pas le Dieu de la guerre, mais le Dieu des armées. La guerre est le fait de l’homme qui s’est éloigné, séparé, révolté contre Dieu, mais au cœur même de la guerre, l’homme éprouve sa faiblesse et sa fragilité. Quelle que soient ses forces, et sa puissance brutale, il n’obtiendra pas la victoire sans Dieu. Et la seule victoire à remporter est celle qui nous délivre du pouvoir du Mal.

« Pourquoi, dans sa toute-puissante bonté, Dieu n’a-t-il pas empêché la maudite guerre dont nous souffrons ?... autant demander : Pourquoi l’homme est-il libre et abuse-t-il de sa liberté ? …faudrait-il, parce qu’il peut en abuser, lui retirer ce don de Dieu, et le réduire à l’état d’une machine et à la condition d’un être irresponsable ? ». L’évêque insiste sur le fait que si Dieu permet la guerre, c’est assurément qu’il peut en sortir un plus grand bien, qui certes demeure difficile à percevoir au cœur de l’épreuve et du combat, mais les premiers fruits, déjà paraissent. « Nous nous étions abandonnés et comme trahis nous-mêmes, à force de subir l’influence des barbares et la pression de leurs intrigues malfaisantes ; nous nous étions divisés, et nous nous combattions les uns les autres en de misérables querelles, même dans les plus graves questions de la défense nationale… La guerre ne nous a-t-elle pas unis dans le même amour de la patrie, et ne finira-t-elle pas par faire la pleine lumière sur les principes et les vertus que la patrie commande à tous ses véritables enfants ? ».

Au fond, Mgr Latty veut encourager les fidèles, et si l’épreuve extérieure du combat qui nous afflige est réelle et douloureuse, nous ne devons pas abandonner le combat de l’espérance, nous ne devons pas abandonner aux ennemis la victoire sur notre cœur.


Nos prêtres-infirmiers

Deux prêtres infirmiers originaires du diocèse d’Avignon – qui signent M. et B. – donnent quelques nouvelles sur la situation des prêtres sur les navires-hôpitaux, et en particulier du « France IV » alors qu’ils se trouvent au détroit de Messine, qui sépare la péninsule italienne de l’île de Sicile.

Si le paysage est superbe, les deux prêtres s’exclament « Pourquoi faut-il que ce soit la guerre qui nous fournissent l’occasion de le contempler ? ». Au départ de Marseille, depuis le 2 février, le navire file vers Salonique pour aller chercher blessés et malades. Le Front d’Orient ou encore appelé Front de Salonique ou de Macédoine a pour but de coordonner les forces alliés en soutien de la Serbie face à l’invasion des troupes austro-allemandes et bulgares commencée en fin d’année 1915. Ce soutien se solde par un échec, et les troupes alliées se retranchent sur Salonique qui devient ainsi un refuge encerclée par les troupes de l’Alliance. Les combats sont nombreux, et les conditions climatiques éprouvantes : « en quelques heures, les chalands nous amenaient 2544 blessés, fiévreux, pieds gelés, etc., et dès le lendemain nous partions directement pour Toulon. Si dans le transport des blessés l’aller est pour l’infirmier un voyage d’agrément, le retour est surtout un voyage de dévouement ».
Evidemment, parmi les blessés, certains succomberont au cours du voyage « malheureusement, malgré nos soins, nous dûmes abandonner douze cadavres à la mer. Qu’elle est impressionnante cette heure de la nuit où le bateau stoppe ! la sirène sonne des glas funèbres, tout l’équipage se réunit, l’aumônier procède à la cérémonie des funérailles, et sur l’ordre du commandant : ‘par-dessus bord !’ un cadavre est lentement abandonné à la mer ». Dans de telles circonstances, quelle est la consolation du prêtre : sur douze défunts, 10 ont reçu le sacrement des malades, les deux autres n’étant pas catholiques. « Rares sont ceux qui n’accueillent pas le prêtre avec bonheur au moment suprême où ils vont faire à la patrie le plus grand des sacrifices, celui de leur vie ».
« Nous sommes sur le France, six prêtres-infirmiers : deux de Viviers, deux Corses et deux du diocèse d’Avignon. Notre aumônier est le P. Petit, jésuite de Marseille, qui se fait tout à tous et que nous secondons de notre mieux. Notre grande consolation est de pouvoir célébrer chaque matin la sainte messe dans la chapelle du bateau et d’y venir aux moments libres adorer Celui qui commande à la tempête et à la mer ».

Monsieur l’abbé Justin-Léon-Clément Malié

La semaine religieuse annonce le décès de l’abbé Justin-Léon-Clément Malié, à l’âge de 38 ans. Fils de Louis et Clémente Bouscary, Justin est né à Mastuejols, dans l’Aveyron, le 3 août 1878, il fut ordonné prêtre le 29 juin 1903 en la Basilique Métropolitaine de Notre-Dame-des-Doms. Ce jour-là, sept autres diacres recevaient l’ordination sacerdotale. Il y eut aussi l’ordination de 6 diacres, d’un sous-diacre. L’abbé Malié fut nommé successivement vicaire de Baumes, puis de Bollène en 1904, avant de se retirer à Bollène en 1912 jusqu’en 1915 où il fut nommé curé de la Roque-sur-Pernes où il est mort le 1° mars 1916. Le lendemain, ses funérailles étaient célébrées par M. l’abbé Constant Bedos, curé du Beaucet, et chargé de l’interim, en présence des abbés Sage, curé-doyen de Pernes, Jean, doyen de Beaumes, Reynaud, curé de Saint-Didier et Saute, curé de Vénasque. Il y eut à ses funérailles et pour son inhumation au cimetière de cette paroisse « une foule considérable ».

Abbé Bruno Gerthoux
Archiviste diocésain