Il y a cent ans dans le diocèse d’Avignon : Mai 1915

4 mai 2015

Avec le premier numéro du mois de mai 1915, Mgr l’Archevêque fait part au clergé de la demande de l’évêque d’Orléans - Mgr Stanislas Touchet surnommé « l’évêque de Jeanne d’Arc » puisqu’il fut l’artisan de sa béatification en 1909, de sa canonisation en 1920 et enfin de sa proclamation comme patronne secondaire de la France en 1922 - faite à tous ses confrères français, d’instituer « une neuvaine nationale à la bienheureuse Jeanne d’Arc », insistant sur le fait que « nous avons besoin d’une effort unanime auprès de Dieu ». Mgr Latty avait déjà anticipé une telle demande en prescrivant un triduum de prière à l’occasion de sa fête, qu’il étend à une neuvaine du 8 au 16 mai pour demander deux choses : « la victoire décisive et définitive de nos armées sur les Barbares, et la persistance de l’union sacrée de tous les Français dans les principes et les traditions qui sont seuls capables d’assurer la force antique de notre race et l’incomparable beauté de notre civilisation ». Lui-même, encourageant ses prêtres à soutenir les fidèles par une instruction sur la vie de la bienheureuse, en souligne les aspects les plus remarquables et le « caractère manifestement providentiel de la mission de l’héroïne ». Cette démarche est significative de la ferveur populaire qui entoure la figure de Ste Jeanne d’Arc qui aura attendu longtemps la béatification, mais qui en peu de temps, surmontera tous les obstacles.

Mgr Latty connait bien cette figure dont il a fait le panégyrique, le samedi 8 mai 1909 dans la cathédrale d’Orléans, à l’occasion du 480° anniversaire de la délivrance de la ville (voir le texte aux archives 5 X 3 – 20, fonds Bernard). En effet, cette femme, cet « enfant qui ne sait ni A ni B, selon ses propres expressions » a su se faire imposer des plus grands et devenir un véritable chef, alliant aussi bien l’art de la guerre, sans négliger les justes devoirs impérieux de la foi, notamment par la prière. « Voilà ce que fait, voilà ce que doit faire une nation chrétienne, dans les grandes crises qui menacent ses droits et son indépendance. » Pour le pasteur du diocèse, il est bien évident que cette neuvaine ne peut être un simple appel désespéré vers le ciel, mais aussi une démarche individuelle, pour chacun, de redoubler de ferveur, de foi, d’espérance et de charité dans sa propre vie : « allons, encore un effort ; relevons nos âmes ; prions Dieu, mais prions-le avec la foi et la ferveur de notre sainte Héroïne ».

La neuvaine s’ouvrit le 8 mai au soir, par le chant du Veni Creator. Chaque soir, la neuvaine commençait par la prière du chapelet, suivie d’une instruction sur la vie de la bienheureuse, puis le Salut du Saint Sacrement, et enfin les invocations prescrites (voir image). En outre, chaque paroisse était invitée à prévoir une journée entière d’adoration, « cette journée devra aussi inspirer aux fidèles des sentiments particuliers de pénitence et d’expiation, soit qu’ils récitent les psaumes de la pénitence ; soit qu’ils observent le jeûne ou l’abstinence ».

Par ailleurs, l’évêque annonce que le pape fait don d’une somme de 40 000 francs pour être versée au Comité du Secours National « en faveur des régions envahies, comme contribution à la collecte qui aura lieu le dimanche et le lundi de la Pentecôte ». La lettre du Cardinal Gasparri, secrétaire d’Etat, qui accompagne ce don, manifeste toute la sollicitude du Souverain Pontife, le pape Benoit XV, pour la France et ses enfants qui « méritent une mention particulière ». En effet « cette Nation qui, à juste titre, a été appelée la fille aînée de l’Eglise, qui donna toujours des preuves splendides de sa générosité pour les œuvres catholiques, spécialement pour les Missions, et qui présente en ce moment, et depuis plusieurs mois, d’un bout à l’autre de son territoire, à l’armée, comme dans les ambulances et les hôpitaux et jusque dans la moindre bourgade, des manifestations éclatantes de foi et de piété ».

Ce Comité du Secours Français a été fondé à Paris, au début de la guerre, par M. Appell, président de l’Institut de France, avec pour projet « patriotique de grouper les représentants de toute la nation française ». Cela peut paraître anodin, mais avant la guerre même, nous sommes dans un contexte de lutte entre l’Eglise et l’Etat. L’ « union sacrée », évoquée par l’archevêque d’Avignon, est là : « l’union s’est faite non par l’abdication des principes, mais dans le respect des convictions » et « l’esprit de la plus large tolérance ne cesse de régner parmi ses membres, et les secours recueillis ont été distribués avec une impartialité et une justice rare ». Assurément, dans ce conflit, la première victoire, c’est celle que les français ont remporté sur leurs divisions !

Dans le dernier numéro du mois, les visites pastorales sont évoquées. Mgr l’Archevêque ayant achevé de visiter les paroisses de la vallée de la Durance et de l’Archiprêtré d’Apt. Le pasteur du diocèse « a constaté partout un réveil de la foi et un empressement à la prière qui font bien augurer de l’avenir ». A Apt, en particulier, « un chœur vaillant de soldats blessés était au premier rangs de l’assistance. Monseigneur les a retrouvés, l’après-midi, dans sa visite aux hôpitaux de la ville ». Loin d’être une simple formalité, ces visites sont pour l’évêque non seulement une consolation en cette année de guerre, mais aussi le moyen pour ce pasteur d’être au plus près des fidèles et de ses prêtres, comme en première ligne, lui aussi, d’une certaine manière, au front : « chaque jour… Monseigneur fit réciter des prières spéciales tant pour le triomphe de nos armées que pour les soldats du pays tombés au champ d’honneur ; et sa Grandeur en profita pour graver dans l’âme des nouveaux confirmés de fortes et touchantes leçons qu’ils n’oublieront pas ».