Il y a cent ans dans le diocèse d’Avignon : octobre-novembre 1915

2 novembre 2015

Le vœu de guerre

Les livraisons des mois d’octobre et novembre 1915 font une large place aux listes de donateurs pour la construction de l’église du vœu de guerre, en l’honneur du Sacré-Cœur. Il y a beaucoup de donations collectives de paroisses, de familles ou de communautés religieuses. Nombreux sont les dons anonymes, qu’ils soient modestes ou importants. En parcourant ces listes, on retrouve encore d’émouvantes dédicaces ou invocations : à Saignon, accompagnant l’obole de 2 francs, il est indiqué « la petite Yvonne pour le retour de son papa » ; Un « spiritualiste » donne 20 francs ; bijoux et diamants sont donnés pour l’ostensoir de la future église ; « un sergent fourrier du 118° territorial, désireux de chanter le Te Deum de la victoire » ; « une mère pour ses enfants » donne 1000 francs… Un communiqué est publié qui doit être lu aux messes du dimanche 10 octobre 1915 « Dieu bénit visiblement notre Vœu de guerre. Les listes de souscription se multiplient et s’allongent avec une régularité constante ; et rien n’est plus touchant que les témoignages de foi religieuse et de patriotisme dont elles sont accompagnées ». Tous ces témoignages, ces prières et invocations sont de « vraies litanies de la douleur, de l’angoisse et de l’espérance, qui, d’heure en heure, montent au ciel sous le puissant vocable du Cœur très aimant de Jésus ! ». Ce communiqué prévoit qu’un registre des donateurs sera établi et conservé aux archives de l’église votive, et qu’une messe sera dite chaque année pour les souscripteurs. Un service solennel sera aussi prévu, chaque année, pour les soldats et officiers « tombés au champ d’honneur de la présente guerre, et dont les noms seront gravés sur les murs de la glorieuse église… et l’une après l’autre, les générations futures s’y rendront en pèlerinage pour prier Dieu et se renouveler dans les vertus qui seules font les croyants fidèles et les honnêtes citoyens ». On perçoit combien, à travers ces mots, l’objectif de l’Archevêque était d’établir un véritable sanctuaire diocésain qui – plus qu’un simple mémorial - fût un lieu de pèlerinage où chacun pourrait puiser à la source vive du Salut.


Monsieur l’abbé Joseph Escoffier

C’est dans le bulletin du mois d’octobre qu’est annoncé que le 24 septembre1915 l’abbé Joseph Escoffier est décédé, à l’âge de 46 ans. Il était curé intérimaire de Lamotte et la Croisière (une des paroisses de Bollène). Ses funérailles furent célébrées le 28 septembre au Grand Séminaire.
Joseph François Elie Ephrem Escoffier était né le 21 mai 1869 à St-Jean-de-Muzols, près de Tournon, dans « une famille excellente et profondément chrétienne ». Il fut d’abord Frère des Ecoles Chrétiennes. C’est ainsi qu’il fut nommé à Lyon, au pensionnat de la montée Saint-Barthélémy. Puis il fut envoyé au Caire où il enseigna plusieurs années. L’interdiction des congrégations religieuses, en France, l’ont conduit à la sécularisation et c’est ainsi qu’il devint professeur à l’école libre de Salindres, dans le diocèse de Nîmes : « il y fut très estimé et très aimé ».
En octobre 1908 il entra au Grand séminaire d’Avignon, où il passa cinq années. Il avait alors 39 ans mais « son courage et sa persévérance ne se démentirent pas. Il se fit remarquer en outre par son dévouement à soigner ses condisciples malades ». Il fut ordonné prêtre le 26 juin 1913 avec Marcel Bagnol (dont nous avions parlé, mort pour la France en 1914) et Benoît Bouchet (mort en 1968, curé des Valayans).
Jeune prêtre, il fut nommé vicaire de la paroisse de Cadenet, dont M. Bertrand était curé-doyen depuis 1906. Dès le début de la guerre, en août 1914, il fut chargé de desservir la paroisse de Vaugines, tous les dimanches et fêtes il allait y célébrer une deuxième messe. « Ce fut pour lui la cause d’une grande fatigue, et cette fatigue lui fut pernicieuse, parce qu’il négligeait à l’excès sa nourriture et sa santé ». Il fut alors nommé curé intérimaire de Lamotte et la Croisière, mais « il acheva de ruiner ses forces ». Il accepta finalement de venir se faire soigner à Avignon, et il était envisagé de lui permettre d’aller se reposer un an chez les Frères de Saint-Jean de Dieu à Marseille, mais trois jours après son arrivée à Avignon, et avoir reçu les derniers sacrements, il s’est éteint.

Monsieur l’abbé Henri Pierre François Duplan

L’aumônier des religieuses augustines de Carpentras est décédé le 16 octobre 1915, à l’âge de 46 ans.
« L’abbé Duplan ne fut, à proprement parler, ni un soldat, ni une victime de la guerre ; mais il fut un vrai prêtre, miles christi. Il garda une mentalité de héros ». Il est né à Visan le 23 décembre 1869. Visan était une pépinière de vocations, et encouragé par l’exemple de ses aînés, il est entré au Petit Séminaire de Sainte Garde, puis au Grand Séminaire d’Avignon.
Il fut ordonné prêtre le 23 décembre 1893 avec les abbés Auguste Caire, Julien Clément, Jean Itier et Jules Vailhen. « Et alors commença la vie qu’il attendait, la vie du travail divin dans le champ plus ou moins difficile des âmes. Sans négliger rien de ce qui incombe au prêtre, ni la prédication où il excellait, ni le saint Tribunal où il conseillait, réconfortait et pardonnait, il laissa tout d’abord s’incliner son cœur vers les enfants ».
Il fut nommé vicaire à Gordes en 1894, puis à Bollène en 1895, et enfin à l’Isle-sur-Sorgue en 1902. Mais il dut renoncer à ses fonctions pour cause de maladie et devint aumônier des religieuses augustines de Carpentras.
Le témoignage de ses confrères est touchant : « je ne l’ai jamais vu, sans qu’il me fît beaucoup, beaucoup de bien », « il était d’une charité rare ; il était bon pour tous, toujours et ne se permettant jamais une critique ».
Alors qu’il agonisait dans de terribles souffrances, il saisit son crucifix et s’écria « Mon Dieu ! Je vous aime ! Je vous aime ! Fiat volontas tua ! ».
Ses funérailles furent célébrées en la cathédrale Saint Siffrein de Carpentras et il fut inhumé au cimetière de la ville.

Monsieur l’abbé Maurice François Durand

Les abbés Escoffier et Duplan avaient 46 ans lorsqu’ils sont morts. C’est déjà bien jeune ! Mais l’abbé Maurice François Durand avait, lui, 29 ans lorsqu’il mourut dans un accident.
Il est né le 24 octobre 1886 à Caromb, « ce Caromb que l’abbé aimait tant, dont il détaillait les charmes avec complaisance et où il vécut ses neuf premières années ». Il est entré au séminaire de Sainte Garde, confié aux soins du chanoine Bernard, puis a poursuivi au Grand Séminaire pour être ordonné prêtre le 29 juin 1910, en même temps que François Monier (qui sera vicaire général), Eugène Nicolet (curé du Sacré-Cœur) et Gabriel Pinet.
 « Il commence alors ce ministère si court, un ministère de quatre années, réparti sur trois paroisses, et qui devait laisser cependant des souvenirs si vivants dans les âmes ». Il fut, en effet, successivement vicaire à Montfavet en 1910, Mazan en 1911 et Bédarrides en 1913. « Pour tous, il se dépensa sans compter, toujours gai, accueillant, parlant à tous cette langue provençale, don du pays natal qu’il affectionnait… son imagination poétique ensoleille et fleurit tout ce qu’elle touche, et sa parole ardent communique aux auditeurs le feu qu’il a au cœur ».
C’est alors qu’il est vicaire à Bédarrides qu’il est appelé à rejoindre le front d’abord au service d’une ambulance. Il obtint le poste d’aumônier du 55° d’infanterie en juillet 1915 et il exprimait à sa mère « son bonheur de se sentir enfin pleinement prêtre ».
« Il avait quitté le front le 17 octobre (1915) pour une permission de six jours, légitime repos après quinze longs mois de dur labeur ; et tout joyeux, à la veille du départ, il écrivait : demain, à l’aurore, le train m’emportera vers le doux pays de chez nous ». Mais une attache de ce train se rompit, et les derniers wagons se détachèrent et dévalèrent une voie en pente, jusqu’à verser dans un ravin.

Abbé Bruno Gerthoux
Archiviste diocésain