Le père Arthur L’Huillier

13 août 2015

Article de Pierre-Yves Giottoli, paru dans les bulletins n°112 et 113 de l’ensemble paroissial Notre Dame des Côteaux et de la Plaine, diocèse d’Agen.
Arthur L’Huillier fut vicaire à Saint Didier et à Saint Ruf.
Il fut un de ceux qui contribua à susciter la vocation de Mgr Rigaud.

Homme hors du commun, le Père Arthur L’Huilier a traversé le ciel du Lot-et-Garonne tel un météore, entraînant dans son sillage des fidèles étonnés et subjugués.

 Le 12 avril 1885, sa naissance apparaît déjà comme le signe annonciateur d’une vie d’aventures et de voyages. Il voit en effet le jour à la gare de Séverac-le-Château (Aveyron) car son père était chauffeur de locomotive.

De santé fragile, le Père Arthur souffre du même mal que notre pape François. Ses poumons sont très atteints et les médecins le disent condamné à brève échéance. De fait, il est réformé avant la fin de son service militaire.

 Il est pourtant rappelé au moment où éclate la Première guerre mondiale.

Avec un engagement et un dévouement exemplaires, il sert son pays en première ligne et n’émet jamais aucune plainte alors que ses poumons le font souffrir et l’empêchent de jouir de la pleine capacité de ses moyens. Les difficiles conditions de vie du front vont finir par avoir raison de sa résistance et de son stoïcisme. Une nuit, il se met à cracher du sang avec une telle violence qu’il est réformé définitivement et renvoyé dans ses foyers. Le major qui le commande pense alors qu’il n’ « ira pas bien loin ».

 Comme beaucoup d’anciens combattants de la Première guerre mondiale, Le Père L’Huilier est toujours resté très discret sur cette période de sa vie.

 En avril 1917, après avoir quitté le front, le Père Arthur est nommé vicaire à Saint-Didier-d’Avignon. Ses paroissiens écoutent avec beaucoup de ferveur ses prônes lyriques exhortant à la dévotion et au patriotisme. Lui qui a connu l’horreur des tranchées – et a eu l’immense douleur de perdre son propre frère, Joseph, sur le front de Bonviller – n’a jamais oublié cette période et s’est toujours senti concerné par ce conflit, l’une des plus grandes épreuves que notre nation ait connues. 

 L’année suivante, il est muté à Saint-Ruf, importante paroisse de la ville d’Avignon. 1918 est aussi l’année de la terrible grippe espagnole. A l’instar de Saint François, sans jamais manifester aucune crainte pour sa propre vie, il se met spontanément au service des malades. Son omniprésence dans la ville, qu’il sillonne chaque jour, lui vaut alors le surnom d’ « homme le plus salué d’Avignon ».

 A partir d’octobre 1923, le Père Arthur intègre le corps enseignant. Tout d’abord professeur de français au collège oratorien de Juilly, il devient, trois ans plus tard, le directeur de l’Ecole Saint-Michel, annexe préparatoire à la célèbre Ecole Massillon.

 En 1930, il est nommé censeur de l’Ecole Massillon, plus spécialement chargé de la division des Grandes Ecoles. Il occupera cette fonction jusqu’à la Libération. Il l’exercera concomitamment avec celle de chapelain d’honneur de Notre-Dame de Paris.

 A l’âge de soixante-sept ans, après huit années passés au service de la paroisse Saint-Michel-des Batignolles à Paris, où, comme à son habitude, il est présent sur tous les fronts, il devient le prêtre de Virazeil.


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A la veille de Noël 1952, le Père Arthur quitte Paris afin de rejoindre la paroisse de Virazeil où il vient d’être nommé prêtre.
 Cet ecclésiastique hors du commun (un Saint Homme dit de lui Bernard Courrègelongue, un des anciens qui l’ont bien connu) va alors rapidement conquérir le cœur de ses nouveaux paroissiens et susciter leur enthousiasme. Les fidèles viennent en nombre écouter ses homélies et tous les enfants veulent faire partie de son équipe. Une dizaine d’entre eux l’entoureront rapidement dans le chœur.

 Tous les jeudis, le père organise, à l’intention des enfants du catéchisme, des matchs de football qu’il arbitre, revêtu de sa soutane. 
 Pour la crèche de Noël, comme pour le chemin de Croix du Vendredi Saint, il fait appel à de vrais figurants recrutés parmi les paroissiens.

 Il est également un homme moderne et un passionné de techniques. La photographie constitue ainsi l’un de ses passe-temps de prédilection ; il porte souvent son appareil en bandoulière et développe lui-même ses clichés.

 Parfois peu conventionnel dans ses modes de déplacement, il utilise notamment une moto lorsqu’il séjourne dans son Aveyron natal. Dans sa jeunesse, il a même piloté certains des tout premiers avions.

 Mais le Père Arthur est surtout une grande et belle âme qui, par certains côtés, pourrait rappeler Monseigneur Bienvenu dont Victor Hugo nous a laissé un inoubliable portrait. Soucieux de soulager la souffrance des plus démunis – de sa paroisse ou d’ailleurs – il collecte souvent des fonds pour de nombreuses œuvres ou afin de venir en aide aux martyrisés de la vie qu’il est amené à côtoyer.
 
 Même devenus célèbres, certains de ses anciens élèves de l’école Massillon (cf. plus haut), continuent de lui témoigner une indéfectible fidélité1. Parmi eux, il y a notamment l’ancien Premier ministre Pierre Messmer, le pilote d’essai André Moynet et Eddie Barclay. Ces deux derniers lui rendent parfois visite dans son presbytère de Virazeil. Un jour, le célèbre producteur de disques lui offre même une gazinière et un frigo car le Père Arthur ne dispose pas de ces appareils électroménagers.
 Dans le Virazeil des années cinquante, l’image d’un prêtre motocycliste (en soutane !), qui arrive de Paris et que Eddy Barclay vient saluer, semble quelque peu surréaliste. Sans aller jusqu’à évoquer ces « bourdonnements de petites coteries » si bien décrits par Victor Hugo à propos des ouailles de l’évêque mentionné plus haut, on peut dire que certains paroissiens le regardent avec une pointe de suspicion. De surcroît, ses méthodes bousculent quelque peu le conformisme ambiant et l’on voit parfois en lui une sorte d’extra-terrestre. Il est pourtant un homme simple et profondément attaché à ses origines rurales. Le terme de son ministère lot-et-garonnais sera d’ailleurs l’occasion, pour lui, de retourner dans son Rouergue natal.

 Après son départ de Virazeil, au mois d’août 1959, il est tout d’abord aumônier des religieuses et des infirmes (pensionnaires) du couvent du Bon Pasteur à Millau ; il devient, par la suite, le premier aumônier de l’Hôtellerie Saint-Michel, maison de retraite de Millau.

 A l’âge de 81 ans, sa santé devenant de plus en plus chancelante, il se retire de la vie ecclésiastique et s’installe à la Maison de Retraite de Rivière-sur-Tarn. Il est rappelé par le Seigneur quatre ans plus tard, le 2 juin 1970.

 Homme au charisme exceptionnel, le Père Arthur fut à l’origine de nombreuses vocations. On peut notamment citer Mgr Maurice Rigaud, archevêque d’Auch et Mgr Jean Badré, évêque de Bayeux et Lisieux.
 Ne l’oublions pas dans nos prières en ce mois de juin qui marque le quarante-cinquième anniversaire de sa mort.