Autrefois dans le diocèse d’Avignon : 1858-1880

1er avril 2022

Les RR.PP. Doctrinaires, dits les PP. de Saint-Jean, à Cavaillon - 1858-1880

Le vendredi 15 avril, qui sera cette année le Vendredi Saint, est le jour de la fête du bienheureux César de Bus. Alors que sa canonisation est annoncée pour le 15 mai prochain à Rome, c’est l’occasion d’évoquer la refondation de la Congrégation en France, à Cavaillon au XIXe siècle.

César de Bus, cathédrale Notre-Dame et Saint-Véran, Cavaillon

Une pensée par jour de César de Bus, pour apprendre à le connaître

La fondation de César de Bus

Le pape saint Pie V avait ordonné dès l’an 1571 que fussent formés dans les paroisses, des congrégations de la Doctrine Chrétienne. Suivant en cela les prescriptions du Concile de Trente (session 24, chapitre 4), il s’agissait de s’attaquer aux racines du mal qui rongeait le peuple des baptisés « l’ignorance, comme un des plus puissants auxiliaires de l’impiété et de l’hérésie ».

Ce vœu du pape saint Pie V fut accompli d’une manière particulière par César de Bus qui fonda à Avignon, en 1592, la Congrégation des Prêtres de la Doctrine Chrétienne, répondant ainsi « d’une manière plus précise à l’appel de l’Eglise ». « Aussi, l’infatigable Apôtre de la Provence vit-il son œuvre confirmée bientôt par un Bref de Clément VIII et approuvée successivement de plusieurs Pontifes qui l’enrichirent d’indulgences et de privilèges nombreux ».

Cette fondation connut un grand développement en France, et à la fin du XVIIIe siècle, plus de 150 maisons ou collèges étaient tenus par les PP. Doctrinaires. La Révolution française mit fin à cette expansion sur notre territoire, et dès lors, ayant trouvé une généreuse hospitalité en Italie, la Congrégation recruta surtout des sujets italiens. Pour autant, les Pères Doctrinaires n’abandonnèrent jamais l’idée de revenir s’établir en France, qui vit naître leur congrégation.

La refondation au XIXème siècle 

Au XIXe siècle, dans un contexte de refondation de la foi chrétienne dans un pays blessé par la Révolution, plusieurs diocèses ouvrirent leurs bras à la Congrégation des Pères de la Doctrine chrétienne, mais c’est dans le diocèse d’Avignon, à Cavaillon, qui les a vu naître, qu’ils choisirent de s’établir en 1858. Depuis 1852, l’Empire a été rétabli et Napoléon III est régnant. Jusqu’en 1870, la période du Second Empire est riche de fondations religieuses, de construction d’églises, c’est une période d’expansion de la foi chrétienne en notre pays.

 En 1858, une province de France de la Congrégation des Pères de la Doctrine Chrétienne est créée ; elle a son siège à Cavaillon, et le R.P. François Ferrara (citations tirées de la Semaine Religieuse du Diocèse d’Avignon, 1858, pp. 438-440) en est le provincial.

Blason de la congrégation
à gauche, au dessus d’une porte de leur maison (actuellement Ecole Saint-Charles)
à droite, dans la cathédrale de Notre-Dame et Saint-Véran

Evoquant son institut, il écrit : « Le nom des PP. Doctrinaires résume le but de leur Institut : enseigner au peuple la Doctrine chrétienne par tous les moyens possibles. Ce programme qui comprend, avant tout, la prédication évangélique, la distribution du pain de la parole divine à tous, dans les cathédrales comme dans les chaumières, embrasse encore, évidemment, l’instruction et l’éducation de la jeunesse, à tous les degrés, dans les écoles, dans les collèges et dans les séminaires ».

Après avoir ainsi présenté leur charisme, il s’exprimait ainsi : « Venez donc, ô Français ! vous, ministres du Seigneur, et vous, courageux catholiques, qui vous faites gloire de suivre la doctrine du divin Maître, venez vous joindre aux soldats de la Doctrine chrétienne ; et vous enfin, âmes charitables, qui retenues par des liens sacrés, ne pouvez vous enrôler sous leur bannière et vous armer, comme eux, du glaive de la parole sainte, venez du moins seconder leurs efforts par le concours de vos aumônes et de vos prières ».

Les premiers fruits

L’invitation ne manque pas de marquer les esprits, puisque le dimanche 15 mai 1859, huit novices ont pris l’habit et d’autres recrues sont attendues. Monsieur Valère-Martin, de Cavaillon, rapporte en ces termes la cérémonie : « Dimanche dernier, dans cette modeste et solitaire chapelle de Saint-Roch, que les RR.PP. Doctrinaires ont adjointe à leur maison, six clercs et deux frères laïcs, après une probation plus ou moins longue, étaient admis au noviciat (…) l’honneur de présider la cérémonie avait été dévolu à M. le chanoine Aillaud notre ancien curé, membre de la Congrégation, qui exhorta les récipiendaires par des paroles pleines d’onction et profondément senties ». Notons que l’abbé Aillaud, prêtre du diocèse d’Avignon, était entré dans la Congrégation, « un tel spectacle a dû remplir de joie le cœur du vertueux prêtre qui avait tant fait pour la résurrection de la Doctrine chrétienne en France » (cf. Semaine Religieuse du Diocèse d’Avignon, 1859, pp. 221-222).

Chapelle Saint-Roch, carte postale ancienne

Jean-Michel Aillaud, né le 8 mars 1804 à Oppède, fut ordonné prêtre le 9 juin 1827. Vicaire à Courthézon, puis recteur de Vacqueyras en 1831, il revint l’année d’après à Avignon, à la paroisse de Saint-Didier, comme vicaire, puis en 1833 à Saint-Symphorien. Après avoir été recteur de Saignon en 1837, curé-doyen de Cavaillon en 1841, « il appela les religieux de la Congrégation du vénérable César de Bus, connus sous le nom de Doctrinaires ; lui-même se fit l’humble disciple du grand initiateur des catéchismes volontaires au XVIe siècle, et se plaisait suivre sa règle et à imiter sa vie » (Semaine Religieuse, 1884, p. 565). Nommé chanoine du vénérable chapitre métropolitain de Notre-Dame-des-Doms, il en fut le doyen de 1877 (date du décès de son prédécesseur le chanoine Jean-Joseph Saïn) jusqu’à sa mort, le 4 octobre 1884.

Le 19 mars 1860, une nouvelle cérémonie à Saint-Roch accueillait la vêture de quatre novices venus des diocèses de Paris, de Reims, de Toulouse, de Digne et d’Avignon. « Si la Congrégation est désormais rendue à la France d’où elle avait été violemment arrachée, la maison-mère paraît être définitivement implantée à Cavaillon ». Leur établissement est tel, qu’ils ont déjà essaimé et ont pris en charge la direction du collège de Bourg-Saint-Andéol, dans le diocèse de Viviers. Leur réussite même conduit bien des villes plus importantes à solliciter leur venue : elles « attendent impatiemment que les PP. Doctrinaires aient assez de sujets pour se charger de la direction de leurs collèges. Tout me porte à croire que les vœux de ces villes seront prochainement exaucés ». Nous sommes en 1860, et tous les espoirs sont permis ! (cf. Semaine Religieuse du Diocèse d’Avignon, 1860, pp. 158-159).

Le R.P. Lambert, de Sorgues, supérieur de la maison de Cavaillon

En 1867, le supérieur de la maison de Cavaillon est le R.P. Jean André Romuald Lambert, décédé le 21 septembre de la même année. Né à Sorgues le 7 février 1825, ordonné prêtre le 25 mai 1850, après avoir été vicaire à Caumont, en 1851 il arriva au même titre à Cavaillon.

Les décrets d’expulsion des congrégations

Toutefois, avec la défaite de la guerre de 1870, l’Empire est discrédité, sa chute est proclamée, la déchéance de l’Empereur et de sa dynastie décrétée. La République s’impose à nouveau, et commence une période douloureuse qui conduira aux lois de séparation des églises et de l’Etat. Les prémisses en furent les lois contre les congrégations religieuses de la fin du XIXe siècle.

Le 29 mars 1880, deux décrets déclarent l’interdiction et l’expulsion de 51 congrégations religieuses, soit 7444 religieux répartis en 384 établissements et 14003 religieuses réparties en 602 établissements. «  On a accusé les ordres religieux de ne servir à rien : leurs œuvres répondent d’une façon plus triomphante que les discours ; on les a accusés de manquer de patrie : la simple énumération des services qu’ils ont rendus à la France soit à l’étranger, soit dans les colonies, soit sur notre sol même à l’heure terrible des désastres de la patrie, suffit à ruiner cette affirmation mensongère, en montrant que le patriotisme n’est nulle part si vivant et si fécond que dans les cœurs où il s’alimente au pur foyer de la chasteté, de la pauvreté et de l’obéissance chrétienne » (cf. Semaine Religieuse du Diocèse d’Avignon, 1880, p. 326). Nous ne saurions mesurer justement la violence de ces décrets, le poids et les conséquences qu’ils eurent. Monsieur H. Chauffart, d’Avignon, écrivait au Ministre de la Justice le 31 mars 1880, après la publication au Journal Officiel des décrets d’interdiction, exprimant sa profonde tristesse : « je ne saurais, dans les circonstances actuelles, occuper plus longtemps des fonctions publiques. J’ai donc l’honneur de vous adresser ma démission des fonctions de maître des requêtes au Conseil d’Etat ». (Semaine Religieuse du Diocèse d’Avignon, 1880, p.215)

La fin de l’aventure en 1880

Les RR.PP. Doctrinaires avaient alors en France deux établissements et comptaient 9 religieux. Si le noviciat des Doctrinaires était toujours présent à Cavaillon, avec comme supérieurs le R.P. Margaillan de 1863 à 1868, (pas de supérieur entre 1868 et 1873, sans doute faute de candidats), le R.P. Chaudol, de 1873 à 1876 et enfin le R.P. Boïni à partir de 1876, l’aventure s’arrêta en 1880, pour ne reprendre qu’au XXe siècle avec l’arrivée du R.P. Balsola à Cheval-Blanc.

Abbé Bruno Gerthoux
Archiviste