Il y 100 ans, dans le diocèse d’Avignon : décembre 2014

1er décembre 2014
Le début du mois de décembre est marqué par la grande Neuvaine de prière en l’honneur de l’Immaculée Conception, mais le chroniqueur du bulletin diocésain annonce que, puisqu’il « y a plus de tristesse que de joies dans nos cœurs », il n’y aura pas en cette année 1914 les « illuminations traditionnelles ». 
 
Et cette année, elle va prendre une saveur toute particulière, à l’invitation des cardinaux Luçon (Reims), Andrieu (Bordeaux), Amette (Paris), Dubillard (Chambéry), Cabrière (Montpellier) et Sevin (Lyon).
 
En effet, en rappelant combien la fête de l’Immaculée Conception est chère aux français, grâce à la Médaille Miraculeuse et à Notre-Dame de Lourdes, ces cardinaux français proposent que « des prières spéciales aient lieu dans toutes les paroisses pour la France, pour ses armées et pour les armées alliées ».
 
Ils proposent de marquer cette fête non seulement par la communion des fidèles, mais aussi par une procession au chant de litanies de la Vierge, et un salut du Saint Sacrement pendant lequel la France serait consacrée au Cœur Immaculé de Marie.
 
Pour préparer cela, ils demandent une neuvaine préparatoire de prière et un jour de jeûne « en esprit de pénitence pour la France ». Ils concluent en disant « nous avons la confiance que la Très Sainte Vierge, qui a donné tant de fois à la France des gages de sa protection maternelle, daignera écouter la prière unanime de notre pays, et hâter, par son intercession, l’heureuse conclusion de la guerre, la victoire de nos armes et le retour de la paix.
 
Monseigneur l’Archevêque d’Avignon s’empressa de répondre à cette invitation des cardinaux français, associant le diocèse à cette consécration « nos pères, dans les âges passés, ont appelé la France le royaume de Marie. Un de ses souverains vous l’a solennellement consacrée. Ce que vous avez fait pour elle, au cours du siècle dernier a prouvé que vous êtes toujours sa Reine et sa Mère…O Marie, écoutez les supplications que nous vous adressons pour notre patrie. Nous vous la consacrons de nouveau, autant qu’il est en notre pouvoir. Protégez-la dans les terribles épreuves qu’elle traverse ; obtenez-lui la victoire sur tous ses ennemis. Que votre divin Fils règne toujours sur elle avec vous, et y fasse régner la justice et la paix ».
 
En ce mois de décembre, le Semaine Religieuse du diocèse d’Avignon fait part d’une lettre ô combien douloureuse et significative de cette période de conflit. Un prêtre raconte que le 30 septembre dernier ils ont trouvé de nombreux cadavres dans un bois de la Marne. Une soixantaine en tout. Avec l’aide d’un détachement du génie, ils creusent « une profonde tranchée large de 2 mètres et longue de 20 mètres et une fosse plus petite pour les (trois) officiers ».
 
« Lorsque tous les corps furent alignés côte-à-côte au fond de leurs tombes, un prêtre-infirmier sort des rangs. Aussitôt, le silence se fait, et sans commandement ni ordre, par un geste tout spontané, officiers et soldats se découvrent et tracent sur eux-mêmes le signe de croix que le prêtre vient de faire sur les tombes… bien des soldats, d’un geste rapide, passent la main sur les yeux pour y refouler des larmes prêtres à tomber….le geste du prêtre bénissant les tombes a pénétré aussi les âmes, les a remplies d’espérance , et a relevé les esprits vers le ciel. Aussi quand, après avoir accompli son ministère, le prêtre, redevenu soldat, revint occuper sa place au milieu de ses camarades et prendre une pelle pour travailler lui aussi comme eux, ceux-ci protestèrent : ‘Non, M. l’abbé, laissez-nous faire notre travail ; et vous, priez pour nous !’ ». Et l’auteur de la lettre de constater combien « devant ces cadavres de héros inconnus morts glorieusement pour la Patrie, a fui, loin de leurs cœurs, ce respect humain ridicule qui les retenait, à la porte de l’église, lorsqu’autrefois ils suivaient le convoi d’un ami ».
 
La Semaine religieuse fait aussi le compte-rendu du service solennel qui a eu lieu le 29 novembre, à la demande de la Société de la Croix Rouge, à la mémoire des soldats et marins morts pour la Patrie, sous la présidence de Mgr Latty. Le chroniqueur précise que « toutes les notabilités avignonnaises sans distinction de parti et même de culte avaient tenu à s’associer à cette grande manifestation patriotique ». Mgr l’Archevêque au cours de son discours évoqua l’annonce de la guerre « il y a quatre mois, déjà… j’ai toujours sous les yeux le spectacle qu’offrit alors la capitale. L’ordre de mobilisation venait d’être affiché sur les édifices publics. C’était vers les quatre heures du soir. On se rassemble pour le lire ; on lit tout bas ; on échange quelques mots : les esprits étaient calmes et dans une sorte de recueillement. Une heure à peine s’écoule ; et tout-à-coup la cité est ébranlée par une extraordinaire animation… on va remplir les formalités nécessaires, faire quelques achats, dire adieu à ceux qu’on laisse : c’est la guerre ! ». Même si ce conflit semblait comme inévitable, l’évêque déplore : « oui, c’est la guerre ; une guerre atroce, qui répand partout la terreur et la mort. Le sang coule à flots, les villes sont incendiées, les campagnes ravagées : tous les cœurs sont dans l’angoisse, la nation entière est dans la consternation et la douleur. ». Le pasteur ne voulait pas conclure sur des paroles de douleurs, et rappelant que nous sommes dans la main de Dieu, il exhorte : courage et confiance !