Les papes d’Avignon : de Clément V à Jean XXII (1)

1er mars 2009

Contrairement à ce que l’on pouvait croire, le séjour de la papauté à Avignon ne provient pas d’un projet bien déterminé mais plutôt d’une succession d’évènements fortuits.

Il faut d’abord préciser que les papes n’habitaient pas constamment Rome au siècle précédent en raison de son climat malsain et surtout des luttes que s’y livraient plusieurs familles nobles, et ils se déplaçaient fréquemment à l’extérieur ; c’est cette même vie itinérante que mena Clément V surtout dans la première partie de son
pontificat.

Archevêque de Bordeaux et prélat n’appartenant pas au collège cardinalice, le Gascon Bertrand de Got avait été élu à la suite d’un compromis le 5 juin 1305 par le conclave réuni à Pérouse ; Français mais sujet du roi d’Angleterre qui détenait alors la Guyenne, il présentait
l’avantage de pouvoir réconcilier les deux rois dans la perspective d’une nouvelle croisade ; une fois élu, il différa, provisoirement pensait-il, un départ pour l’Italie qui ne devait jamais se réaliser. Il devait en premier lieu régler d’urgents problèmes tels que la suppression de
l’ordre des Templiers réclamée par Philippe le Bel et le procès d’hérésie que voulait intenter le roi au défunt pape Boniface VIII, ainsi que diverses réformes, et il avait projeté un concile à Vienne, terre d’Empire, à ces fins.

C’est vraisemblablement dans la perspective de celui-ci que Clément V décida de séjourner au moins temporairement à proximité, c’est à dire à Avignon ; la ville était la propriété du comte de Provence qui était également roi de Naples, mais surtout, elle avait l’avantage d’être
toute voisine du Comtat Venaissin qui était précisément depuis 1274 la propriété de la papauté. Et c’est ainsi qu’au terme d’un long et lent voyage depuis Poitiers en passant par Montpellier, il fi t le 9 mars 1309 son entrée à Avignon, sur laquelle nous n’avons malheureusement
aucune précision ; il s’installa dans le couvent des Frères Prêcheurs, le plus grand établissement religieux de la ville. Il ne devait d’ailleurs pas y résider constamment mais se déplaça fréquemment dans le Comtat, tant avant qu’après le concile de Vienne (1311-1312), séjournant
notamment au prieuré du Groseau près de Malaucène ou à Monteux où il élabore un ensemble de décrétales qui reçut le nom de « Clémentines ».

Il dote richement ses parents, peuple sa cour de compatriotes gascons.
Malade et désireux de retrouver l’air de son pays natal, il part au printemps 1314 mais meurt à Roquemaure, sur la rive droite du Rhône.
C’est alors que s’ouvre une période de vacance du Saint-Siège qui va durer deux années : le Sacré Collège avait été en grande partie renouvelé par la nomination d’une dizaine de cardinaux dont plusieurs originaires de Gascogne ; or les cardinaux, d’abord réunis à Carpentras,
s’enfuient du conclave à la suite d’escarmouches suscitées par des mercenaires gascons. Ce n’est qu’en août 1316, à la suite de négociations menées par le futur roi de France Philippe V, qui réussit à réunir le conclave à Lyon, qu’est élu Jacques Duèse, originaire de Cahors, un cardinal âgé qui prendra le nom de Jean XXII et aura
le plus long pontificat du siècle.

Plus que Clément V, Jean XXII peut être considéré comme le premier pape d’Avignon ; il se fixe dans cette ville qu’il connaissait bien (il en avait été l’évêque de 1310 à 1312) et qui, quoique exiguë, offrait beaucoup d’avantages pour le séjour d’un souverain pontife ; elle était fort bien placée pour communiquer avec toute la chrétienté, située dans une région paisible, et la cour y devait trouver une stabilité et un développement qu’elle n’avait guère connus jusqu’alors. Jean XXII s’installe dans le palais épiscopal que libère Jacques de Via, son neveu, évêque élu d’Avignon mais non consacré, qui devient assez vite
cardinal et meurt peu après, peut-être empoisonné par les ennemis du pape. Ce dernier laisse l’évêché vacant, ce qui lui donne la disposition de la mense épiscopale avec ses revenus. Il s’absentera peu de la ville en dépit de la construction d’un « palais pontifical » à Pont-de-Sorgue.

Sans renoncer à un retour à Rome ou du moins en Italie, il envisage un séjour d’assez longue durée à Avignon, prenant des mesures pour assurer la cohabitation des nouveaux venus avec les Avignonnais ; il faut loger non seulement les cardinaux (au nombre d’une vingtaine) et leurs familiers, les parents du pape, la cour pontificale avec ses fonctionnaires, ses serviteurs, son service de garde et d’honneur ainsi que le service des pauvres qui se nomme la Pignotte, mais aussi tous les
« courtisans », c’est à dire tous les gens qui « suivent la cour romaine » pour une raison ou une autre : commerçants, artisans et artistes, hommes de loi et notaires, marginaux, ainsi que des étrangers venus parfois de fort loin pour solliciter une grâce en cour romaine. Tout cela
va faire d’Avignon une capitale cosmopolite où règne une activité intense.