Il y a cent ans dans le diocèse d’Avignon – janvier 1916

3 janvier 2016

Le Vœu de Guerre « pour la Victoire et la Paix » :

Les offrandes et les intentions continuent à arriver en ce mois de janvier 1916. On notera que parmi les dons, est promise « une statue de la Sainte Vierge de Chastel, sculpteur avignonnais, élève de Puget. Un camionneur fait une souscription « conditionnelle » : « je promets de donner un mètre cube de pierre de taille, que je porterai moi-même sur le chantier ramène sain et sauf de la guerre ». Monseigneur Latty commente et rend grâce pour « ce beau geste, qui, chaque semaine va se répétant dans les souscriptions où se montrent les conditions et les rangs les plus divers de la société, et qui sont comme les litanies des âmes partagées entre les angoisse et les espérances de la patrie. Ce sont autant de pierres qui viennent idéalement se superposer les unes aux autres, et qui rendent l’église votive sensible aux yeux de l’esprit … ». En effet, les personnes qui donnent et qui adressent leurs prières viennent de toutes les franges de la société. Si le montant des offrandes est varié (de 0.5 centimes à 1000 euros, en ce mois de janvier 1916), la ferveur qui les porte est aussi forte et intense pour chacun. Les intentions montrent que l’espérance est plus forte que l’angoisse, et surtout rien ne laisse transparaître ce qui pourrait être une haine explicable ou un désir de vengeance légitime ! Rien de tout cela, au contraire, s’il l’on demande la victoire de la France, on ne demande pas la défaite de l’ennemi, c’est la Paix qui est demandée, le retour de soldats, le retour de la France à la foi de ses pères.

Calomniateurs, la ligue de Défense sacerdotale :

C’est le titre d’un article de la première livraison du mois de janvier 1916. En effet, en France circulait cette calomnie que les « curés ont provoqué la guerre et qu’ils envoient de l’or au Kaiser allemande ».
Or « les curés sont au front comme les autres : ils y peinent, ils y souffrent, ils y meurent, et en grand nombre. Et puis, ils ont eux aussi leurs familles ; et comme tous les français, ils ont à pleurer des frères ou autres parents tombés sur les champs de batailles ».
L’archevêque d’Avignon s’inquiète de la propagation de ces calomnies dans les campagnes en particulier. Pour combattre ce mal pernicieux qu’il qualifie même de criminel, il établit une « ligue de défense sacerdotale » qui, dit-il, ne « mentira ni à son titre ni à sa mission ». Il s’agit pour l’évêque de prendre les moyens, non seulement de combattre le mensonge et la calomnie qui attaquent le « patriotisme, le courage et les services » du clergé, l’honneur des personnes, mais aussi, plus largement, et au-delà de l’intérêt des personnes, de défendre et sauvegardée « l’union sacrée » fragilisée par ces propos, et par suite de vraiment contribuer à la Paix.
Cet aspect est loin d’être anecdotique. Après guerre, un ouvrage intitulé La preuve du sang, livre d’or du Clergé et des Congrégations, 1914-1918, publié en deux tomes, à Paris à la Bonne Presse en 1925, eut pour objectif, outre d’établir un mémorial de tous ceux qui avaient donné leur vie pour la défense de la Patrie parmi les membres du clergé (évêques, prêtres, diacres, clercs, religieux et religieuses), de montrer « par la preuve du sang », ce patriotisme qui avait été mis en cause.

Fin de l’année 1915

En ce début de l’année, il est l’occasion de revenir sur les fêtes de la Nativité et de la fin d’année.
L’archevêque célébra les fêtes de Noël en sa basilique métropolitaine de Notre-Dame des Doms « entouré d’une belle couronne d’enfants ». L’Evangile le proclame « je vous annonce une grande joie…Gloire à Dieu au plus haut des cieux et pais, sur la terre aux hommes de bonne volonté ». Combien ces paroles, en période de conflit, peuvent sonner douloureusement aux oreilles et aux cœurs ! « La joie ? Hélas ! à cette heure, chacun de nous est plongé dans une tristesse infinie ». L’archevêque rappelle alors que cette paix est promise aux hommes de bonne volonté, c’est-à-dire, ceux dont le cœur est proche de Dieu, ceux qui savent orienter leur cœur et leur vie, or « on était bien loin, en ces derniers temps surtout, des choses éternelles : on n’en avait nul souci. Les pensées, les efforts, les désirs, les résolutions se tournaient obstinément vers les choses d’en bas, à la recherche des plaisirs grossiers et des intérêts terrestres ». Le pasteur dénonce, finalement, le retour au paganisme, de toute une société, au nom du progrès, et exhorte les fidèles à préparer non seulement leurs cœurs, mais aussi à ajuster leurs vies à la Miséricorde de Dieu.

Pour les vœux du clergé à l’Archevêque, la veille du premier jour de l’an, le doyen du chapitre des chanoines de la Métropole Notre-Dame des Doms, M. le chanoine Mellet, au nom du clergé, rappelait que pour la présentation des vœux, deux ans auparavant, la situation était bien différente. Mais il remercie l’archevêque de leur permettre, en ce début d’année 1916 de pouvoir « venir épancher nos tristesse dans son cœur paternel ». Après avoir énuméré en une longue litanie les souffrances et les tristesses du clergé depuis le début de la Guerre, il remercie l’archevêque et exprime la gratitude de tout le clergé « au milieu de toutes nos tribulations, ce qui nous a profondément édifiés et réconfortés, c’est la noble attitude et les gestes généreux de notre vaillant archevêque » : visites aux blessés, discours éloquents, patronages d’œuvres d’assistance, et tant d’autres initiatives. Mgr Latty remercia le doyen du chapitre en citant le passage d’une lettre du prêtre mobilisé « Ma lettre est l’acte d’adhésion à ce que, dans la jeunesse de son cœur et la poésie de son langage, le vénéré Doyen du Chapitre, saura vous exprimer au nom du clergé diocésain ».

Abbé Bruno Gerthoux
Archiviste diocésain