Il y 100 ans, dans le diocèse d’Avignon : octobre 1914

23 octobre 2014

Où sont-ils ? Chaque dimanche, l’Archevêque d’Avignon, Mgr Latty, monte à la basilique métropolitaine Notre-Dame-des-Doms et, dit-il, « nous y portons, avec les ardeurs de notre foi, nos soucis, nos craintes, nos espérances ». Le bon pasteur conduit par sa prière, sa parole et son exemple, le peuple qui lui est confié, partageant sa peine « chacun de nous se demande, tout occupé de l’absent : où est-il ? que fait-il à cette heure ? Souffre-t-il beaucoup ? Car il n’est pas un de nous qui n’entende retentir douloureusement en son cœur tous les coups de ces terribles batailles ».
Et précisément, chaque livraison de la Croix d’Avignon est l’occasion de donner des nouvelles de « Nos prêtres à la guerre ». Au mois d’octobre 1914 le chroniqueur évoque ceux qui ont été affectés au corps des brancardiers : Laforce, Théolas (voir photo), Sannat, Maurizot, Basile Coupard, Louis Robert, et Amouroux.

« Leur courage, leur sang-froid et leur dévouement à toute épreuve ont attiré l’attention des chefs sur nos prêtres. M. Laforce a été nommé sergent, et M. Théolas a reçu les galons de caporal sur le champ de bataille. Très estimés des soldats, dont ils partagent la vie et les dangers, ils voient souvent leur ministère sacerdotal produire des retours imprévus. » Ainsi, un troupier incrédule au début de la guerre, qui assistait chaque dimanche à la messe disait : « Nous ne sommes pas des bêtes, et tout cela nous fait du bien au cœur Dans une chronique intitulée : « le tribut du Grand Séminaire à notre chère France », après avoir évoqué les 7 séminaristes qui furent mobilisés : MM. Pinet, Vial, Roux, Fugin, Sicard, Galas et Audibert, la lettre du père de l’un d’eux est citée : « C’est avec une grande douleur que je vous fais part de la mort de notre enfant bien-aimé, Jean Fugin tué face à l’ennemi à Gerbéviller, entre le 28 et le 30 aout d’un éclat d’obus en pleine poitrine. ». Il y a aussi les blessés, les prisonniers comme l’abbé Sicard, à Augsbourg et sans doute M. Galas. 65 prêtres du diocèse sont sur les champs de bataille et 7 séminaristes. Il ne reste plus au séminaire que 6 étudiants en théologie, mais qui pourraient être mobilisés.

M. Vial donne le récit d’un fait d’armes dans une lettre adressée à l’un de ses professeurs. « Le 29 au matin, nous nous trouvions deux compagnies aux avant-postes, dans des tranchées en avant d’un village. Bientôt repérés par l’artillerie ennemie, nous recevons aussitôt une pluie d’obus en même temps que deux mitrailleuses arrosent le terrain au-dessus de nos têtes » […] « une heure plus tard, nous devons abandonner les tranchées, prises de flanc par les allemands » […] « un par un, nous traversons le plateau au pas de course. C’est au moment où, à mon tour je m’élançai, que je tombe frappé » […] « violemment projeté à terre par le choc, je n’en croyais pas moins ma dernière heure bien proche. Le coude replié sous la tête dans une position commode pour mourir, je regardai stoïquement le sang jaillir à gros bouillons et s’épandre en large flaque au-dessous de ma tête » […] « épuisé par la course et le sang que j’avais perdu, je marche maintenant comme un automate, sans réfléchir que les obus pleuvent autour » […] « je rencontre un prêtre, presqu’un vieillard, le brassard d’ambulancier au bras, qui s’en va à la recherche des blessés. C’est sans doute le curé du village, qui, avec quelques rares habitants n’a pas voulu fuir devant l’ennemi. Un instant plus tard, on le retrouve frappé à mort, au milieu du chemin. Et si je vous cite ce fait c’est que des cas semblables se produisent journellement. Si vous saviez, après cela, quelle impression de tristesse et de dégoût on éprouve pour quelques malheureux qui en un pareil moment, osent tenter d’aviver par d’ineptes calomnies les passions antireligieuses ! Ah ! s’ils avaient vécu le souffle d’ardent patriotisme, d’héroïque abnégation qui enflamment chacun de nos soldats, combien cette œuvre leur paraîtrait infâme et vile. »

Une lettre datée du 13 octobre 1914 évoque le travail apostolique des prêtres sur les champs de bataille : « Nous autres, vos prêtres, soit que nous combattions sur les champs de bataille, soit que, ambulanciers ou brancardiers, nous prodiguions à vos chers blessés, les soins les plus affectueux et les plus dévoués, toujours nous n’avons qu’un souci : remplacer auprès de ceux que le feu a touché les mères, les épouses et les sœurs absentes ! Oui, dans tous les régiments presque, il y a des prêtres pour bénir et absoudre, entre deux salves, ceux qui tombent victimes du devoirs ; dans toutes les ambulances aussi il y en a pour consoler les blessés et leur prodiguer les secours de la religion. » […] « un jour, deux de nos prêtres (…) restèrent seuls avec un jeune major, tous les trois volontairement, dans une ambulance, située dans un pays voisin de la frontière, que l’artillerie allemande bombardait avec acharnement, et cela au péril de leur vie, afin de soigner jusqu’à leur évacuation 50 blessés ou moribonds. »


Appel à contribution

Si parmi les lecteurs, certains ont des photos des prêtres et séminaristes que nous évoquons, nous serions heureux d’en avoir une copie : Courriel ou par courrier : Archevêché, archives historiques, 31 rue paul Manivet, BP 40050, 84005 Avignon Cedex.


Marie Ange Emile Henri Theolas

Né le 9 aout 1879 à l’Isle sur la Sorgue, ordonné prêtre le 28 septembre 1902. Après avoir été professeur à Ste Garde, il fut successivement vicaire à L’Isle, Apt, Cavaillon et St Florent d’Orange, entre 1904 et 1921. Il devint curé de St Pierre de Sénos en 1921, de Mornas en 1924, de Sorgues en 1933. Il fut nommé chanoine honoraire en 1950. Il est décédé le 2 avril 1959 au monastère de la Visitation de Sorgues. « vous l’avez connu, toujours aimable, assidu à son ministère, prêt à rendre tous les services qu’on sollicitait de lui » (allocution de Mgr Urtasun pour ses obsèques).


Abbé Bruno Gerthoux
Archiviste Diocésain