Il y a cent ans dans le diocèse d’Avignon – Novembre 1917

5 décembre 2017

Lettre de Monseigneur l’archevêque aux prêtres et séminaristes mobilisés

Le 11 novembre 1917, Mgr Latty adresse une lettre aux prêtres et séminaristes mobilisés. Alors que nous allons entrer dans le quatrième hiver de guerre, il s’adresse à ses «  chers amis  » qui sont «  sous le fer, dans le feu et le sang  ». Conscient des épreuves, des souffrances de la fatigue proche du désespoir de certains, sans doute, l’archevêque, en homme raisonnable, rappelle aussi les exigences d’un tel conflit : obtenir une victoire sûre et réduire l’ennemi. L’enjeu est la paix, une paix certaine, durable et stable qui ne peut naître que d’une victoire franche.

Pour autant, l’homme de foi rappelle aussi que la victoire ne peut s’appuyer que sur les forces, raisonnements et stratégies humains  ; «  le dernier mot, dans cette immense conflagration des peuples, c’est Dieu qui l’aura  ». Le pasteur du diocèse se fait même prophète en annonçant : «  Il semble bien (…) qu’après la guerre des mouvements se feront, qui modifieront la face de la planète et la vie du genre humain  ; et alors, malheur aux peuples qui ne sauront pas répondre à la voix profonde des événements, ces grands avertisseurs de Dieu  ! Ils s’excluront eux-mêmes de la suite de l’histoire de la civilisation  ».

Ayant rappelé ces enjeux, au cœur du conflit, à son issue et pour l’avenir, l’évêque rappelle aux prêtres et séminaristes leur premier devoir d’hommes, de chrétiens, de prêtres : celui de la compassion. En effet, comme un père, l’évêque a le souci du bien de ses enfants, et s’il leur rappelle les exigences du conflit et la nécessaire victoire qui demandent bien des sacrifices humains, il les encourage à demeurer prêtres dans leur façon d’être, de vivre, de combattre, voire de mourir.


Évoquant les entretiens qu’il a pu avoir avec les prêtres en permission, ou par leurs courriers, il exprime son espérance quant à leur retour et affirme «  l’expérience aura grandement ajouté à votre connaissance des hommes et des choses. Le prix des âmes et leur besoin de Dieu et des consolations religieuses vous auront laissé des impressions profondes qui se traduiront en œuvres de zèle et de piété dans l’exercice de votre saint ministère. Vous saurez mieux combien la France est une noble nation, et aussi combien elle reste catholique dans son fond et ses instincts. Vous aurez plus de pitié pour les hommes parce que vous les aurez vus souffrir de plus près  ; et vous vous dévouerez avec plus d’amour à leur service, parce que la vie vous aura plus sensiblement apparu en eux comme une chose triste, précaire, lourde de besoins et d’incertitudes  »


Carnet de guerre de l’abbé Henry George

Tout au long de la guerre, l’abbé George note chaque jour les événements principaux de ses journées. En ce mois de novembre 1917, dans son VII° carnet, alors qu’il est sur le front Bulgare, on peut constater que pratiquement chaque jour il peut assister à la messe. Bien sûr, comme infirmier du II° Bataillon du 58° régiment d’Infanterie de guerre, ses journées sont essentiellement consacrées à la visite et au soin des malades, voire à quelques courses pour des médicaments, en particulier. Il note les lettres qu’il a reçues et envoyées, ainsi que ses dépenses. Le soir, il participe souvent à des réunions et conférences. Il garde aussi du temps pour la lecture et l’étude.
Tout cela pourrait paraître très ordinaire, voire calme. Et en effet, la vie continue, au cœur même des combats, et la guerre sait se rappeler au bon souvenir de chacun. Le 14 novembre il note : «  Je vais chercher des médicaments avant qu’il ne fasse nuit… Il pleut, nous sommes ralentis dans notre marche… on dirait que les Bougres sont au courant de ce qui se passe. Ils tirent des obus sur les pistes. A un moment donné, leurs projectiles heureusement un peu longs de 300 m. nous font coucher. Nous languissons de pouvoir détaler en vitesse.  » et le lendemain «  les Bougres bombardent furieusement nos tranchées, avec du gros calibre.  »

Abbé Bruno Gerthoux